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mémoires d’un communard

J’attendais avec une impatience fébrile la venue du messager de Billioray, car je ne pouvais me dissimuler que le moindre incident, la plus petite indiscrétion, pouvaient tout compromettre ; que, d’autre part, sous peine d’un piteux échec, il nous fallait aller vite en besogne.

Mais si je me morfondais à Versailles, si les journées des 25 et 26 s’écoulèrent sans que nul avis ne me parvînt sur la décision prise par la Commission exécutive, et que mes camarades, comme moi, désappointés par cet inexplicable silence, commençassent à s’impatienter, le délégué aux « relations extérieures » paraissait avoir d’autres soucis que celui de presser ses collègues ou de me tenir au courant des faits et gestes de la Commission. Ce citoyen m’oublia, tout simplement.

Peut-être, malgré les années écoulées, le citoyen Paschal Grousset qui, après l’élection de la Commune fit partie de la Commission des relations extérieures, pourrait-il apporter un peu de lumière et établir la juste part de responsabilité qui, sur ce point spécial, incomba à Billioray, car le 28 mars j’ignorais encore le sort fait à ma proposition[1].

Des soupçons commençaient à se donner carrière parmi les marins gardant le château, et les plus compromis, craignant d’être dénoncés par ceux des camarades qu’ils avaient inutilement pressentis, résolurent de gagner Paris.

Abandonné par ceux-là mêmes dont le premier devoir était de m’aider, d’encourager une initiative où, sans marchander, je risquais ma vie, je ne crus pas devoir combattre cette détermination : six marins nous quittèrent et rentrèrent dans Paris. Parmi eux se trouvait Thibault, l’émule de Bonaventure, intrépide et habile pointeur.

Le soir de ce même jour, un typographe, Auguste Devaux, est arrêté par ordre d’un maréchal des logis d’artillerie, l’accusant d’embauchage. Sa qualité d’employé au Journal officiel lui valut de n’être condamné qu’à

  1. M. Claretie, en son Histoire de la Révolution de 1870-71, dit que Billioray et Serizier, du 101e, étaient d’accord avec le général Faron pour lui livrer le fort d’Issy. Il est vrai que cet ouvrage fourmille de tant d’inexactitudes, qu’il convient de faire d’expresses réserves. (Note de l’auteur.)