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des barricades au bagne

Bientôt apparaît, ayant à ses côtés son fidèle aide de camp Cipriani, le héros de la Crète.

Tout un flot d’officiers et de gardes nationaux sortent de l’Hôtel de Ville. Les cris redoublent ; Flourens salue de l’épée, descend de cheval et entre, entouré, félicité par cent citoyens à la fois. Son ancien titre de major des remparts est changé en celui de général, et il vient remercier la Commune, se mettre à son entière disposition.

Cela est très bien, mais l’action, la marche en avant, depuis beaucoup trop de jours différée ? Ces braves citoyens se doutent-ils que chaque heure ainsi dépensée compromet la victoire entrevue, donne à l’adversaire de terribles avantages ? Ah, si ces gens avaient eu ma fièvre !

J’allais quitter la place, à ce moment remplie de gardes nationaux, lorsque, passant devant l’ancienne cour d’honneur, mon attention est attirée par un fringant colonel d’état-major, reluisant comme un soleil : « C’est le citoyen Chouteau ! » m’écriai-je, quelque peu ébahi.

La bonne fée Révolution l’a littéralement transformé, au point que je n’en peux croire mes yeux. Après réflexion, je la remercie de l’heureux changement.

Beaucoup de braves gens, plus esclaves de l’atavisme qu’ils ne consentaient à se l’avouer, prétendaient qu’il était nécessaire d’en « imposer », et, pour ce faire, ils revêtaient des uniformes éclatants ou s’attifaient de façon ridicule. Tel Assi, par exemple, dont le costume tenait du houzard hongrois et du garibaldien ; mais l’amour du panache sévissait surtout parmi les jeunes hommes de la petite bourgeoisie, lesquels envahissaient les trop nombreux états-majors encombrant les divers services de la défense de Paris, voire même les administrations civiles.

Je dus, un certain jour, m’occuper d’un nommé Ferretti, se disant neveu du pape (!) et appartenant au service du nettoiement : ce monsieur jouait les colonels, en attendant de jouer les traîtres, comme Ducatel.

Hélas ! notre race aime passionnément le clinquant, les distinctions, les galons, toute la défroque militaire et, avec cela, les palabres grandiloquents, les proclamations sensationnelles.

Quel livre curieux que celui qui relaterait comment en ces cinquante dernières années, certains Français