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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/75

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mémoires d’un communard

et, avant même que nous fussions parvenus à la porte de Châtillon, des traînards nous avaient confirmé la reddition de la redoute et la prise du général Duval, comme de la plupart des gardes nationaux qui se trouvaient avec lui ; cependant nous doutions encore, car le canon faisait rage et nous espérions que ces nouvelles alarmistes seraient démenties par les événements.

Au dehors des murs, le nombre des gens qui revenaient vers Paris était beaucoup plus considérable ; quant à leurs récits, ils étaient déconcertants.

— Où allez-vous, citoyens ? nous criaient-ils, tout est perdu : non seulement Châtillon, Issy et Vanves sont au pouvoir des Versaillais, mais les forts vont être enlevés, s’ils ne le sont déjà.

— Mais, voyons, vous exagérez, répondions-nous ; vous n’entendez donc pas le canon ? les forts résistent ; il vous faut retourner en arrière, reprendre courage et venir avec nous, d’autant que deux bataillons du cinquième arrondissement ne vont pas tarder à nous rejoindre.

Tous nos encouragements demeuraient sans effet, ces hommes avaient cru qu’ils pouvaient se rendre à Versailles sans rencontrer d’obstacles et la triste réalité les avait atterrés. Nous leur apparaissions comme des fous qui couraient à leur destruction.

Cependant l’affolement n’était que relatif et, lorsque nous atteignîmes la route qui conduit au fort de Vanves, à l’angle de laquelle se trouvait une auberge, nous la vîmes, bondée de gardes nationaux.

Nous y renouvelâmes nos tentatives, mais ce fut encore en vain : personne ne consentit à se joindre à nous pour aller reconnaître le village.

Attristés, nous poursuivons néanmoins notre marche en avant, pendant que dans la tranchée couvrant le fort une poignée de citoyens, méprisant la mort, répondent avec vigueur au feu des Versaillais ; quant au canon, il fait rage des deux côtés, surtout du côté ennemi.

Notre groupe vient d’atteindre les premières maisons de Châtillon ; nous nous sommes espacés et, prêts à faire feu, nous avançons avec lenteur, fouillant du regard tout ce qui se trouve devant nous. Tout à coup apparais-