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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/74

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des barricades au bagne

On attela un tombereau et on y jeta le corps sanglant de Flourens, puis on opéra de même pour Cipriani, qu’on croyait mort ; ceci fait, capitaine, gendarmes et tombereau prirent le chemin de Versailles, où une foule hurlante acclama les auteurs de ce haut-fait de guerre.

Là, on s’aperçut que Cipriani vivait encore et, regrettant de ne l’avoir pas achevé, on le transporta à l’hôpital, où les juges militaires viendront le prendre pour le condamner à la déportation dans une enceinte fortifiée.

Telle fut la fin de Flourens, lâchement assassiné par le capitaine de gendarmerie Desmaret.

Mais il me faut reprendre le cours de mon récit au moment où mes amis et moi nous nous dirigeons vers le plateau de Châtillon. A l’instant où nous parvenions au Puits-Rouge, endroit où se croisent les deux routes d’Orléans et de Châtillon, nous rencontrâmes un fédéré disant venir du plateau ; il nous parla de la surprise du Petit-Bicêtre et de la défaite essuyée par Duval. La plupart des hommes s’étaient rendus presque sans combattre, et beaucoup croyaient que les soldats allaient fraterniser avec eux. Selon son idée, Duval était prisonnier ; quant à lui, il avait échappé comme par miracle à la mort.

Ses dires étaient-ils exacts ? Si oui, il fallait faire diligence et arrêter à tout prix l’ennemi avant qu’il ne gagnât les remparts.

Je priai l’un des nôtres de porter aux commandants des 118e et 160e bataillons l’ordre de se rendre au fort de Vanves ; puis, comme sur la route d’Orléans se trouvait installé un parc d’artillerie, je fus trouver le commandant et, après l’avoir mis au courant des mauvaises nouvelles que je venais d’apprendre, sur lesquelles il convenait pourtant de faire des réserves, nous convînmes qu’il y avait lieu de se préoccuper delà situation du fort de Vanves, où je me rendrais si, ainsi qu’il était à craindre, les Versaillais occupaient Châtillon.

Ce brave citoyen fît la plus grande diligence pour rassembler les hommes nécessaires, préparer les canons et les caissons dont il disposait. Un artilleur, envoyé par lui, avait prévenu les Comités de légion du XIVe et du Ve des mesures qu’il allait prendre.

Quant à ma petite troupe, elle s’était remise en marche