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mémoires d’un communard

M. de Plœuc, gouverneur intérimaire et complice de M. Thiers, fera filer sur Versailles les millions par centaines, et le vieillard tremblant et haineux, qui tient entre ses mains le sort de la caste parasitaire, pourra rassembler autour de lui toutes les forces du passé, tous les ennemis-nés du progrès social, opposer à la cité qu’enflamme le souci de l’avenir la « plus belle armée du monde », l’armée qui, durant huit longs jours, égorgera dans Paris des gens désarmés sans en éprouver une trop grande lassitude.

Lorsqu’il s’agit de sauver la Religion, la Famille et la Propriété, on ne saurait se montrer trop généreux, et la Banque de France sut, en l’occurrence, mériter la confiance que M. Thiers avait mise en elle.

Le respect dont les membres de la Commune, ceux du Comité central et le gros de la population entourent cet établissement financier, est la démonstration par le fait de la pusillanimité ambiante en matière économique. Ce manque d’audace, né de l’incompréhension du peuple comme de ses élus, se retrouvera chaque fois qu’il faudra s’attaquer aux privilèges des possédants.

En ces matières, un Bonaparte ou même un Thiers dépassent de cent coudées les trop naïfs révolutionnaires de 1871.

Aussi, Pendant que la Commune est en situation de tout prendre pour essayer de vaincre, ses délégués arrachent péniblement à de Plœuc vingt millions, lorsque Thiers, éloigné de Paris, en reçoit deux cent cinquante-huit !

Timidement, on décrète la prise de possession de certains ateliers abandonnés, et cela parce que la défense de Paris l’exige, comme la nécessité d’assurer la solde des gardes nationaux a obligé la Commune à demander de l’argent à la Banque, que, du reste, cette dernière avait un très haut intérêt à ne pas refuser sous peine — la faim chassant le loup du bois — de voir cette garde nationale, si bénévole, montrer sérieusement les dents et faire main basse sur le trésor qui devait servir à la vaincre et à exploiter les travailleurs comme devant.

On réquisitionne également quelques rares logements non occupés, mais on se garde d’ordonner la destruction des immeubles infects où s’étiolent et meurent