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des barricades au bagne

des milliers de prolétaires, pendant que dans les quartiers riches des centaines de superbes maisons demeurent inhabitées.

Sous la Commune, comme sous les régimes ploutocratiques, le peuple continuera à vivre — si c’est là vivre ! — dans de misérables et infects taudis. Gambetta appelait ces demeures des repaires.

Combien plus profitable à la cause et de tactique meilleure eût été la disparition radicale des rues, passages et impasses où règnent eu souveraines la puanteur et les maladies épidémiques !

L’exode de leurs habitants dans les quartiers luxueux aurait quintuplé l’énergie des combattants et, au lieu du cri avant-coureur de défaite : « Chacun dans son quartier ! » le Paris révolutionnaire eût fait bloc contre les bandes versaillaises qui, peut-être, malgré les fautes commises, seraient venues se briser contre une résistance terrible, imposée par la nécessité où se fussent trouvés les combattants de la Commune de défendre leur nouveau logis, sous peine d’être jetés à la rue.

Mais si la belle lucidité socialiste fait défaut aux membres de la Commune, en revanche les réminiscences classiques les entraînent vers les grandiloquentes manifestations, telles, par exemple, que la démolition de la maison de M. Thiers, ce qui était plus facile que d’abattre son pouvoir.

Le petit homme se rira d’autant de cette opération enfantine, qu’elle lui vaudra un immeuble beaucoup plus cossu, que la nation se fera une gloire de lui offrir, et que Foutriquet acceptera avec plaisir.

Cette admirable décision servira également de prétexte pour condamner à vingt ans de travaux forcés le citoyen Fontaine, ex-professeur, devenu directeur des Domaines, et chargé par la Commune de l’exécution du décret de démolition. Petite cause, tristes effets.

Tout autre eût été l’effet moral si, au lieu de le démolir, l’immeuble du vieux scélérat eût abrité trois ou quatre familles ouvrières, de celles que la misère condamnait à vivre dans les ruelles puantes de la Butte-aux-Cailles ou autres lieux aussi peu habitables. Et quelle leçon pour l’avenir !

Je conviens très volontiers que cette façon de voir qui,