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mémoires d’un communard

vraiment révolutionnaires s’étudiaient et se prenaient.

On vint un jour nous aviser que si des résistances et des retards marquaient la laïcisation, cela venait des démarches que les religieux des deux sexes faisaient auprès du maire. Immédiatement, l’ordre fut donné au chef de poste de ne laisser pénétrer dans la mairie ni prêtres, ni moines, ni religieux d’aucune espèce. La consigne fut scrupuleusement observée et, bientôt, plusieurs prêtres, sœurs ou moines, se virent refuser l’entrée de la mairie.

Ils en appelèrent au maire : celui-ci, furieux, entend ordonner aux factionnaires de laisser passer tous ceux qui désirent communiquer avec lui, mais les gardes nationaux font valoir les ordres qu’ils ont reçus, de même le chef de poste.

Voici Régère dans l’obligation de venir me trouver et de m’avouer ses relations cléricales ! Des explications très vives échangées, et après qu’il se fut ingénié à me convaincre qu’on pouvait être catholique pratiquant et socialiste révolutionnaire, il demeura que la consigne ne serait pas changée et que, si le maire — ou plutôt le citoyen Régère — voulait s’entretenir avec des congréganistes ou autres gens d’Eglise, il les recevrait à son domicile particulier, mais non à la mairie.

Il s’en alla plus furieux encore qu’il n’était venu.

Le récit de cette scène pourra faire naître quelques doutes dans l’esprit des personnes qui, basant leur opinion sur les membres de la Commune d’après la teneur des procès-verbaux publiés par l’organe officiel, ont considéré Régère comme un révolutionnaire, lorsqu’il n’était que ce qu’on est convenu d’appeler aujourd’hui « un libéral », c’est-à-dire un allié du Gesù.

Du reste, nous étions assez mal partagés, comme représentants à la Commune. Régère était clérical ; Blanchet avait été moine et secrétaire du commissaire central de Lyon ; Jourde, à part ses aptitudes comme comptable, était simplement républicain et n’aimait guère les révolutionnaires ; Ledroyt était, je crois, un brave homme qui n’entendait pas grand’chose au mouvement et qui, jusqu’à la fin de ses jours, dut se demander par quel hasard étrange il avait été envoyé à l’Hôtel de Ville et, ensuite, nommé à la Commission de la guerre. Seul,