yeux d’une foule immense, des joûtes solennelles où les artisans disputaient de vigueur et d’industrie dans la manœuvre des galères. Les nobles eux-mêmes ne refusaient pas de prendre part à ces amusements qui tournaient à la sûreté et à la puissance de la république. Toutes choses étaient si bien ramenées vers cette fin, que le crime lui-même donnait quelque chose à la défense de l’État. Son châtiment était un travail forcé à bord d’une galère. Le condamné malade était soigné à ses propres dépens, et au moment où il aurait dû être mis en liberté, il payait les frais de médecins par une prolongation de peine.
C’était peu pour les Vénitiens d’aller chercher au loin les matières que confectionnent les arts, ils les travaillaient eux-mêmes. Venise était une vaste manufacture où se trouvaient réunis les meilleurs ouvriers du monde, qui n’auraient trouvé nulle part un si haut salaire. Le gouvernement ne craignit pas de louer à des particuliers les bâtiments de l’État. C’était faire servir au commerce la marine militaire, montrer le pavillon de la république dans tous les parages, et fournir aux jeunes patriciens les moyens de se familiariser avec la mer. Ces vaisseaux étaient réunis en plusieurs escadres qui se dirigeaient vers les grands centres du commerce de l’univers, et dans des voyages qui duraient souvent plus d’une année, faisaient des échanges tout le long de la route, et revenaient chargés de richesses.
Telle était l’extrême jalousie des Vénitiens pour le bon état de leurs vaisseaux, qu’ils avaient construit, près de l’arsenal, de vastes abris sous lesquels les bâtiments se trouvaient garantis de la pluie et du soleil. Pour forcer les riches à contribuer aux dépenses de la marine, on avait établi que chaque galère serait armée et munie aux dépens de celui qui devait y commander. Cet usage, plus vieux que l’autorité des