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Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/16

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d’autre fonction que de veiller à la sûreté de la république, et par là soumettant à son gré tous les pouvoirs au sien, il devint non moins redoutable à ceux qui l’avaient établi qu’aux ennemis contre lesquels il les devait assurer. Créé d’abord pour dix jours, il rendit son existence perpétuelle comme la crainte, car personne n’osa plus demander qu’il fût aboli.

Au bout de deux siècles, ce conseil des Dix trouva moyen de se surpasser lui-même, en choisissant dans son sein trois commissaires qui, sous le nom d’inquisiteurs d’État, durent instruire les affaires qui demandaient le plus de vitesse et de mystère. Ces commissaires, nommés pour un temps et pour des secrets passagers, comme l’avait été le conseil des Dix, tournèrent aussi comme lui en magistrature perpétuelle ; et de même que celui-ci avait surmonté le grand conseil qui l’avait institué, l’inquisition se rendit à son tour maîtresse du conseil des Dix d’où elle sortait.

Telle était la constitution d’État qui régit la république de Venise jusqu’à sa ruine. Elle était le fruit de la jalousie que les patriciens éprouvaient, soit les uns contre les autres, soit contre le doge et les populaires. Le grand conseil électif fut établi pour annuler l’intervention du peuple, le sénat et le conseil privé du doge pour restreindre l’autorité de ce prince, le grand conseil héréditaire pour ôter la souveraineté à une portion considérable de la noblesse, le conseil des Dix et l’inquisition d’État pour défendre contre les malintentionnés et les mécontents, les lois de l’État et la personne des patriciens.

L’inquisition d’état surveillait le conseil des Dix, celui-ci surveillait le grand conseil ; le grand conseil le sénat ; le sénat le conseil du doge ; le conseil du doge le doge ; le doge le reste de la nation. Ainsi le gouvernement de Venise res-