Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/19

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la date des familles, et y maintient les membres du corps d’autant plus près les uns des autres, que le corps entier est plus loin du reste des citoyens.

On pensait que l’honneur de chaque noble appartenait moins à lui qu’à son ordre : aussi certaines fonctions lui étaient interdites comme inégales à la dignité de son rang.

L’espionnage et le mensonge étaient les deux grands ressorts de la politique étrangère. Quand la république voulait se remettre en bonne intelligence avec quelque prince étranger, on faisait porter un faux avis à son ambassadeur : ainsi avait-on à se plaindre de l’Espagne, on tâchait d’intimider ce cabinet en lui faisant croire qu’on traitait d’une ligue avec la France ; voyait-on un ministre d’État dans une cour étrangère, mal disposé envers la république, on persuadait à cette cour que ce ministre venait de recevoir en secret quelques libéralités de la république, et lui avait promis de la servir, en se réservant de parler encore de temps en temps contre elle, pour éviter de se rendre suspect. Ensuite tout ce que ce ministre conseillait de faire contre Venise, dans l’intérêt de son pays, était regardé par sa cour trompée, comme couvrant un jeu favorable à la république ; et par là, celle-ci lui avait ôté le pouvoir de nuire.

Dans un temps où la cour de Rome faisait la loi à tous les rois et à toutes les puissances, l’oligarchie vénitienne conçut d’autant plus de jalousie de l’autorité pontificale, que celle-ci avait plus de ressemblance avec la sienne. Le saint-office ne put s’établir à Venise que sous la surveillance du sénat. Il n’eut donc rien de secret pour cette magistrature politique qui voulait tout savoir et tout cacher. Les juifs et les usuriers furent soustraits à la juridiction du saint tribunal, probablement parce qu’ils enrichissaient la république.