Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

merce d’esclaves chrétiens avec les infidèles, au mépris des lois et défenses de l’Église. Ils fabriquèrent eux-mêmes les armes dont se servaient tous les mahométans des côtes de la Méditerranée, et allèrent jusqu’à donner des visirs aux princes musulmans, qui acceptèrent des citoyens de Venise pour diriger leurs conseils.

Ayant vu de bonne heure qu’il fallait à tout prix attirer à Venise des bras et des capitaux, ils avaient établi certaines conditions sous lesquelles l’étranger acquérait les droits de citoyen. La souveraineté qui suivait ce titre, et l’appât de la fortune, devaient tenter nombre de gens. Aussi tout ce qu’il y avait d’hommes ambitieux et entreprenants en Europe grossissait volontiers la population de Venise. Ce moyen de s’incorporer les étrangers fut perdu dès que le gouvernement tourna en aristocratie ; mais il avait cessé d’être nécessaire.

La république prenait ses matelots dans les îles, et ses soldats dans la Dalmatie. Elle entretenait en outré une armée de stipendiaires. Par le soin qu’elle avait eu de créer aux marins, aux Dalmates et aux mercenaires des intérêts opposés, elle Tes contenait les uns par les autres. Ainsi elle profitait de leurs services, sans qu’ils pussent s’entr’aider contre l’État.

Le génie de Venise, incessamment appliqué à accroître la richesse de ses particuliers, découvrit un jour ce système qui substitue le papier à la monnaie, et fait de la confiance entre les commerçants un supplément de richesse. La première banque de l’Europe fut celle de Venise. On vit, non sans admiration, disparaître, pour le commerce, les frais de transport d’un pesant métal, la facilité d’emprunter, partout offerte au travail, et une promesse écrite représenter de l’or. Pour mieux affermir le crédit de leur banque, les Vénitiens