318
songer que celui qui y a dormi la veille vous est inconnu,
que sans doute vous ne verrez jamais celui
qui y reposera demain. Cette chambre que vous
habitez est comme une grande route ; les meubles
usés portent les traces d’un passage perpétuel. Le
contraste bizarre entre ce mouvement et votre
solitude a quelque chose qui étonne et attriste.
C’est là qu’enfermé et livré tout entier à vos souvenirs,
vous les rendez plus vifs en revoyant des
objets qui vous ont suivi dans votre voyage ; il en
est qui peut-être, au moment de la séparation, ont
été touchés par une main chérie.
La consolation est prête il faut écrire. C’est le
moment le plus doux. On s’émeut, on raconte,
on se soulage ; le temps et l’espace s’effacent ; quelque
chose de vous retourne vers vos amis ; et quand
ils le recevront, vous serez encore plus éloigné
d’eux.
Un voyage fait en compagnie de ce qu’on aime, un voyage où l’on emporte tout son cœur avec soi est l’une des plus vives et plus rares jouissances que nous permettent de goûter les chances de la vie. La diversité des objets se dessine sur le fond de cet attachement réciproque qui nous rend plus sensibles aux merveilles de l’univers : le beau qui est d’origine divine agit sur la partie divine de