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placent les passions ; ils deviennent aussi constants dans leurs goûts qu’ils ont été incertains dans leurs idées (1). Il en est qui, après avoir été jetés dans le tourbillon du monde, jouissent de concentrer leurs souvenirs : pour la première fois leur âme est en présence d’elle-même ; c’est un spectacle qui a sa nouveauté. Ils apprennent à se connaître et ne vivent plus pièce à pièce, mais ils possèdent leur être, à la fois et en entier, dans chaque moment.

Quand notre mémoire est fraîche et vive, nous embrasions d’un coup d’œil la route parcourue, et elle nous parait d’une brièveté extrême. Nous revoyons jusqu’aux lieux où nous avons été élevés, et, penchés vers la tombe, nous nous souvenons des jeux de notre enfance. Il y a de minimes circonstances qui ne se sont jamais effacées : tel son de voix rendue muette par la mort depuis nombre d’année vibre encore dans notre oreille. Ah ! c’est cette durée du souvenir qui, malgré tant de changements dans notre visage, notre constitution, nos idées, nous fait sentir l’unité de notre âme (2).

Pour l’homme, le passé n’est qu’un point ; l’avenir seul lui paraît infini (3). Tant de jours écoulés occupent moins de place dans le souvenir du vieil-

(1) Idée de vérité. (2) Idée d’unité. (3) Idée d’infini.