Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

tion de Saint-Hilaire ; mais un nom bien voisin est donné au Mexique à l’Anona squamosa. Ce nom est Ate, Ahate de Panucho, qui se trouve dans Hernandez[1] avec deux figures assez semblables et assez médiocres, qu’on peut rapporter ou à l’A. squamosa, avec Dunal[2], ou à l’A. Cherimolia, avec de Martius[3]. Oviedo emploie le nom de Anon[4]. Il est très possible que le nom de Ata soit venu au Brésil du Mexique et des pays voisins. Il se peut aussi, je le reconnais, qu’il vienne des colonies portugaises des Indes orientales. De Martius dit cependant l’espèce importée des Antilles[5]. Je ne sais s’il en a eu la preuve ou si elle résulte de l’ouvrage d’Oviedo, qu’il cite et que je ne puis consulter. L’article d’Oviedo, transcrit dans Marcgraf[6], décrit l’A. squamosa sans parler de son origine.

« L’ensemble des faits est de plus en plus favorable à l’origine américaine. La localité où l’espèce s’est montrée le plus spontanée est celle des forêts de Para. La culture en est ancienne en Amérique, puisque Oviedo est un des premiers auteurs (1535) qui aient écrit sur ce pays. Sans doute la culture est aussi d’une date assez ancienne en Asie, et voilà ce qui rend le problème curieux. Il ne m’est pas prouvé cependant qu’elle soit antérieure à la découverte de l’Amérique, et il me semble qu’un arbre fruitier aussi agréable se serait répandu davantage dans l’ancien monde, s’il y avait existé de tout temps. On serait d’ailleurs fort embarrassé d’expliquer sa culture en Amérique au commencement du XVIe siècle en supposant une origine de l’ancien monde.

Depuis que je m’exprimais ainsi, je remarque les faits suivants publiés par divers auteurs.

1o  L’argument tiré de ce qu’aucune espèce du genre Anona n’est asiatique est plus fort que jamais. L’A. asiatica, Linné, reposait sur des erreurs (voir ma note, dans Géogr. bot., p. 862). L’A. obtusifolia, Tussac, Fl. des Antilles, , p. 191, pl. 28, cultivé jadis à Saint-Domingue, comme d’origine asiatique, est peut-être fondé sur une erreur. Je soupçonne qu’on a dessiné la fleur d’une espèce (A. muricata) et le fruit d’une autre (A. squamosa). On n’a point découvert d’Anona en Asie, mais on en connaît aujourd’hui quatre ou cinq en Afrique, au lieu d’une ou deux[7] et un nombre plus considérable qu’autrefois en Amérique.

  1. Hernandez, p. 348 et 454.
  2. Dunal, Mém. Anon., p. 70.
  3. De Martius, Fl. bras., fasc. 2, p. 15.
  4. De là vient le nom de genre Anona, que Linné a changé en Annona, (provision), parce qu’il ne voulait aucun nom des langues barbares et qu’il ne craignait pas les jeux de mots.
  5. De Martius, l. c.
  6. Marcgraf, Brasil, p. 94.
  7. Voir Baker, Flora of Mauritius, p. 3. L’identité admise par M. Oliver, Flora of trop. Africa, 1, p. 16, de l’A. palustris d’Amérique avec celui de