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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

des variétés. L’une est le Pécher ordinaire, la seconde est le Pécher à fruit lisse, que nous savons être issu du premier ; la troisième est le Pécher à fruit déprimé (P. platycarpa, Decaisne). cultivé en Chine, et les deux dernières sont indigènes en Chine (P. Simonii, Decaisne, et P. Davidii, Carrière) ; c’est donc un groupe essentiellement de Chine.

Il est difficile, d’après cet ensemble de faits, de ne pas admettre pour le Pécher ordinaire l’origine chinoise que j’avais supposée jadis d’après des documents moins nombreux. L’arrivée en Italie au commencement de l’ère chrétienne est confirmée aujourd’hui par l’absence de noyaux de pêches dans les terramare, ou habitations lacustres de Parme et de Lombardie, et par la présence du Pêcher dans les peintures des maisons riches de Pompeia[1].

Il me reste à parler d’une opinion émise autrefois par A. Knight et soutenue par plusieurs horticulteurs, que le Pécher serait une modification de l’Amandier. Darwin[2] a réuni les documents à l’appui de cette idée, sans oublier d’en citer un qui lui a paru contraire. Cela se résume en : 1o une fécondation croisée, qui a donné à Knight des résultats assez douteux ; 2o des formes intermédiaires, quant à l’abondance de la chair et au noyau, obtenues de semis de pêches ou, par hasard, dans les cultures, formes dont la pêche-amande est un exemple connu depuis longtemps Decaisne[3] signalait des différences entre l’Amandier et le Pêcher dans la taille et dans la longueur des feuilles, indépendamment des noyaux. Il traite l’idée de Knight de « singulière hypothèse ».

La géographie botanique est contre cette hypothèse, car l’Amandier est un arbre originaire de l’Asie occidentale, qui n’existait pas autrefois dans le centre du continent asiatique et dont l’introduction en Chine, comme arbre cultivé, ne remonte pas au delà de l’ère chrétienne. Les Chinois, de leur côté, possédaient, depuis des milliers d’années, différentes formes du Pêcher ordinaire et en outre les deux formes spontanées dont j’ai parlé. L’Amandier et le Pêcher étant partis de deux régions très éloignées l’une de l’autre, on ne peut guère les considérer comme une même espèce. L’un était cantonné en Chine, l’autre en Syrie et Anatolie. Le Pêcher, après avoir été transporté de Chine dans l’Asie centrale et, un peu avant l’ère chrétienne, dans l’Asie occidentale, ne peut pas avoir produit alors l’Amandier, puisque ce dernier arbre existait déjà dans le pays des Hébreux. Et, si l’Amandier de l’Asie occidentale avait produit le pêcher, comment celui-ci se serait-il trouvé en Chine à une époque très reculée, tandis qu’il manquait au monde gréco-romain ?

  1. Comes, Illustr. piante nei dipinti Pompeiani, p. 14.
  2. Darwin, On variations, etc., 1, p. 338.
  3. Decaisne, l. c., p. 2.