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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

variétés, du moins à l’époque de Pline. Les peintures murales de Pompeia montrent souvent cet arbre avec son fruit[1].

Les lacustres de Suisse et d’Italie récoltaient les pommes sauvages en grande quantité, et dans ces provisions il s’est trouvé quelquefois, mais rarement, des poires. M. Heer en a figuré une des stations de Wangen et Robenhausen, sur laquelle on ne peut se méprendre. C’est un fruit aminci dans le bas, ayant 28 millimètres de long et 19 de large, coupé longitudinalement de manière à montrer une chair fort peu épaisse autour de la partie cartilagineuse centrale[2]. On n’en a pas trouvé dans les stations du lac du Bourget, en Savoie. Dans celles de Lombardie, le professeur Ragazzoni[3] a trouvé une poire, coupée en long, ayant 25 millimètres sur 16. Elle était à Bardello, dans le lac de Varèse. Les poires sauvages figurées dans le Nouveau Duhamel ont 30-33 millimètres, sur 30-32, et celles du Laristan, figurées dans le Jardin fruitier du Muséum sous le nom de P. Balansæ, qui me paraissent de la même espèce et d’origine bien spontanée, ont 26-27 millimètres sur 24-25. Dans ces poires sauvages actuelles la chair est un peu plus épaisse, mais les anciens lacustres avaient fait sécher leurs fruits après les avoir coupés en long, ce qui doit en avoir diminué l’épaisseur. Les stations indiquées n’accusent la connaissance ni des métaux ni du chanvre ; mais, vu leur éloignement de localités plus civilisées des temps anciens, surtout lorsqu’il s’agit de la Suisse, il est possible que les restes découverts ne soient pas antérieurs à la guerre de Troie ou à la fondation de Rome.

J’ai cité trois noms de l’ancienne Grèce et un nom latin, mais il y en a beaucoup d’autres : par exemple, en arménien et géorgien, Pauta ; en hongrois, Vatzkor ; dans les langues slaves, Gruscha (russe), Hrusska (bohème), Kruska (illyrien). Des noms analogues au Pyrus des Latins se trouvent dans les langues celtiques : Peir (irlandais), Per (cymrique et armoricain)[4]. Je laisse les linguistes faire des conjectures sur l’origine plus ou moins aryenne de plusieurs de ces noms et du Birn des Allemands, mais je note leur diversité et multiplicité comme un indice d’existence fort ancienne de l’espèce depuis la mer Caspienne jusqu’à l’Atlantique. Les Aryas n’ont sûrement pas emporté dans leurs migrations vers l’ouest des poires ou des pépins de poires ; mais, s’ils ont retrouvé en Europe un fruit qu’ils connaissaient, ils lui auront donné le nom ou les noms usités chez eux, tandis que d’autres noms an-


    Poiriers ne sont pas dans l’ouvrage. En tout cas le nom des anciens est un nom vulgaire, mais le nom vraiment botanique est celui de Linné, fondateur de la nomenclature adoptée, et Linné a écrit Pyrus.

  1. Comès, Ill. piante dipinti Pompeiani, p. 59.
  2. Heer, Pfahlbauten, p. 24, 26, fig. 7.
  3. Sordelli, Notizie staz. lacustre di Lagozza, p. 37.
  4. Nemnich, Polyglott. Lexicon Naturgesch. ; Ad. Pictet, Origines indo-européennes, 1, p. 277 ; et mon Dictionnaire manuscrit de noms vulgaires.