Page:Alquie - Anthologie feminine.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
DEUXIÈME PÉRIODE

rence au moins, sinon de réalité, vouée aux devoirs de la famille et consolée de plus d’un chagrin, dont l’amertume a mis un pli à son sourire, même dans ses rêveries les plus idylliques.

Elle épousa, à quatorze ans, un mari de trente ans. Elle avait reçu une éducation brillante et raffinée sous le rapport littéraire ; elle avait appris non seulement l’espagnol et l’italien, mais encore le latin. Partie de la France pour fuir la pauvreté, car la disgrâce des proscrits les atteignait dans leurs biens, la jeune femme retrouvait la pauvreté en Belgique, mais compensée par les succès les plus brillants de beauté et d’esprit.

Après avoir été gardée huit mois prisonnière, en Belgique, par les Espagnols, pour avoir exprimé trop franchement sa manière de penser, et délivrée par son mari, cette courageuse et spirituelle femme, revenue à Paris, savoura la récompense de son dévouement en éloges et en succès de salon qui purent beaucoup contribuer à sa gloire et à son plaisir, mais peu à sa fortune et à son repos. Elle eut des amis illustres, qui applaudirent à ses vers et firent honneur à son salon. Sa vie, désormais sans aventure, s’écoula dans une médiocrité non dorée, sans autre plaisir que des plaisirs d’esprit, empoisonnés par des soucis domestiques et de précoces souffrances ; elle mourut, âgée de cinquante-six ans seulement, après avoir langui onze ans dans les cruelles dou-