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sont soumises à la puissance du Fatum[1]. Des conceptions si sensuelles sur Dieu ne pouvaient satisfaire longtemps l’homme qui pensent et avance dans la science. Il les abandonna bientôt comme des failles destinées à servir de frein au peuple, et ne reconnut plus que le seul premier principe, le dieu des sages. Ainsi, dès l’origine, à la religion populaire, symbolique ; à la doctrine exotérique, s’opposa une religion mystérieuse, une doctrine ésotérique, et c’est dans ce sens que l’historien Polybe dit ouvertement : « Il faut pardonner aux historiens qui ont raconté des fables, puisqu’elles servent à nourrir la piété de la multitude ; et c’est ainsi qu’il faut excuser les législateurs romains, qui sont parvenus à maintenir le peuple sous le joug par l’intervention de dieux invisibles. » C’est par respect pour les lois, et non par l’espoir d’être agréable à la Divinité, que, selon Plutarque, le sage rend aux dieux un hommage public.

Les philosophes grecs avaient, il est vrai, hâté la ruine de la religion populaire, mais ils n’avaient pu ni la remplacer, ni faire tomber complètement le voile mystérieux de la Divinité ; car jamais la philosophie n’a pu ni ne pourra suppléer la religion. Entouré des temples magnifiques de la Grèce et des statues admirables des dieux de l’Olympe, Platon s’écrie dans l’esprit des temps anciens : Qu’il est difficile de trouver Dieu ! mais, quand on l’a trouvé, il est impossible de le faire connaître à tous ! Ce qu’il y a de plus vrai et de plus consolant dans la philosophie grecque se trouve certainement dans les œuvres de Pythagore et de Platon. Inspirés par l’esprit de l’Orient[2], ils introduisirent un élément religieux dans la civilisation grecque en alliant

  1. La Pythie répondit aux Lydiens : « Dieu lui-même ne saurait se soustraire aux arrêts du destin. » Cf. Hérodote, Histor. I, 91. Sophocle est le premier chez lequel on voit percer l’idée de la justice distributive.
  2. Lactant., Institut. IV, 2 : « Unde equidem soleo mirari quod quum Pythagoras et postea Plato, amore indagandæ veritatis accensi, ad Ægyptios et Magos et Persas penetrassent, ut earum gentium ritus et sacra cognoscerent (suspicabantur enim sapientiam in religione versari !) ; ad Judæos tamen non secesserint, penes quos tunc solos erat, et quo facilius ire potuissent. » Cf. Cicero, de Finib. bonor. et malor. V, 19. — Minut. Felix, Octavius, c. 34.