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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Le petit Parisien avait hâte de vérifier les chances qui lui restaient de mettre la main sur le carnet de Louis Risler, le traître fusillé à Fontenoy. Le baronnet n’avait pas moins de hâte d’atteindre le Havre pour y prendre les dispositions que sa situation nouvelle réclamait.

Deux jours après un brick norvégien, qui avait eu à réparer de graves avaries à Barfleur, devait regagner le port du Havre : le baronnet traita avec le capitaine pour le transport de sa famille et de tout son monde. Par un temps magnifique, avec un vent favorable qui assurait une prompte traversée, le brick norvégien s’éloigna de Barfleur. C’était un voyage de six à huit heures.

Bientôt, en face du brick, excellent marcheur, entre les hautes falaises de Caux entrevues dans le lointain, et les collines verdoyantes du pays d’Auge, s’ouvrait largement l’embouchure de la Seine, avec le Havre à gauche du navire et, au delà, les côtes du littoral fuyant dans la direction de l’est, dessinées par une suite de caps découpés dans la falaise calcaire du pays de Caux, — escarpes éclatantes de blancheur que les érosions de l’Océan ont taillées dans le plateau crayeux qui s’étend de la vallée de la Seine à la vallée de la Somme. En avant se présentaitle cap de la Hève et son double phare à feux électriques, établis sur la falaise à pic ; au second plan le cap d’Antifer dérobant Étretat et ses accidents de paysage maritime vulgarisés par la peinture contemporaine.

Sur la droite du brick, c’est-à-dire sur la rive gauche de la Seine, à son embouchure, se détachait très nettement le petit port de Honfleur, au sommet de la côte arrondie qui forme la baie de Seine, et qui offre d’abord une belle plage de sable interrompue sur divers points par des falaises, des dunes… Du même côté, un peu en arrière, à l’endroit où l’Orne se jette dans la Manche commençait, se dirigeant vers l’ouest, une ceinture de roches basses et dangereuses, telles que les roches de Lion, les îles de Bernières, les Calvados, s’étendant en avant du rivage avec lequel elle fait corps.

Sur cette côte, on apercevait vaguement — en les comptant depuis la Seine — les petites villes de bains de mer telles que Trouville, Villers, Houlgate, Cabourg, les embouchures de la Touques, de la Dives, le petit port d’Ouistreham à l’entrée de l’Orne, Port-en-Bessin et enfin dans l’échancrure qui s’ouvre derrière les roches de Grand-Camp, les embouchures de la Vire et de la Taute, où la présence de nombreuses barques trahissaient l’existence sur ces cours d’eau des petits ports d’Isigny et de Carentan.