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LES AVENTURIERS DE LA MER


l’île. Un jour qu’il revenait au mouillage avec quatre de ses matelots qui l’avaient accompagné, tous chargés de gibier, les Américains songeaient à la joie de leurs hôtes… ils touchaient presque au rivage quand, en levant les yeux vers l’endroit où devait être leur navire, ils le cherchèrent en vain du regard. Un vague sentiment d’abandon vint épouvanter ces malheureux ; ils montèrent sur un rocher élevé d’où l’on découvrait toute la plage. Désespoir ! la plage si animée, les jours précédents, retentissante de voix humaines, était déserte et muette ! L’île est vide, la baie est vide ! au loin, le navire s’éloigne avec son pavillon américain.

Les Anglais avaient, en effet, coupé le câble et cinglaient à pleines voiles vers Rio-Janeiro, abandonnant sans pitié leur libérateur et ses quatre matelots sur cette plage inhospitalière, sans vivres, sans vêtements.

La douleur et l’indignation s’emparèrent de ces malheureux. Quelle horrible ingratitude ! Eh quoi ! rendre ainsi le mal pour le bien ! C’était odieux. Comment ces choses avaient-elles pu se produire ? Le premier sentiment des naufragés avait été une vive reconnaissance ; mais ensuite des craintes s’emparèrent d’eux. Les États-Unis étaient alors en guerre avec la Grande-Bretagne et les Anglais, malgré les assurances données par le capitaine Barnard, soupçonnaient le loyal Américain de vouloir les livrer à son gouvernement. Le soin de leur sûreté leur fit oublier ce qu’ils devaient à un homme qui les avait arrachés à une mort presque certaine.

Dès que les matelots s’étaient vus abandonnés sur ces affreux rochers, véritable chaos granitique, ils avaient cruellement reproché à leur capitaine son trop de confiance, le rendant responsable de leur infortune. C’est au point que le malheureux capitaine Barnard, désespéré, eut la pensée d’attenter à ses jours. Mais alors il fut accablé des plus sanglants reproches par ces hommes affolés qui pensaient, malgré tout, avoir encore besoin de lui.

Comment exister ? Les Anglais en s’enfuyant n’avaient laissé ni vivres ni vêtements à ceux qu’ils trahissaient !

Il fallut s’ingénier. Des œufs d’albatros et des coquillages recueillis sur le bord de la mer fournirent, durant les premiers jours, une nourriture suffisante. Pendant ce temps, les délaissés s’appliquèrent à dresser un chien qui les avait suivis dans l’île le jour de leur abandon. Ils le lancèrent à la poursuite de porcs provenant sans doute d’animaux domestiques débarqués dans New-Island, qui s’étaient multipliés en devenant sauvages. Les peaux de phoques qu’ils tuèrent avec le reste de leur