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XVII. — UN PRIVILÈGE.


Les gens superficiels sont bien heureux : le liège ne se noie pas.


XVIII. — MOBILITÉ.


Ô mobilité de l’âme ! la même pensée qui un jour nous a fait pleurer, huit jours plus tard peut nous laisser indifférents. Les mille métamorphoses des nuages au ciel ne sont qu’une faible image de la multitude des impressions, antipathies et sympathies qui s’enlacent et tourbillonnent à la fois dans un cœur humain, je ne dis pas seulement dans le cœur d’une femme.


XIX. — L’ÉGOÏSTE.


L’âme de l’égoïste est un aiglon emprisonné dans l’œuf. Une coque insensible le sépare de la vraie vie. Pour s’ébattre au soleil de Dieu, pour aspirer l’air des cieux et la liberté de l’espace, pour connaître l’infini et la joie, il faut avoir brisé la coque de pierre. L’œuf qui paraît à l’égoïste un temple, n’est qu’un tombeau.


XX. — DEUX ROMANCIERS.


Ce matin, j’ai lu une partie des Romans de Voltaire, lecture détestable, si on la juge d’après la méthode conseillée par un sage, car cette lecture