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traste, ici comme ailleurs, foit apercevoir l’objet, et ressortir de l’ombre le bonheur qui s’y effaçait. Voyagez pour apprécier le repos ; goûtez de l’hospitalité des hôtelleries pour connaître celle de la famille. Juif errant, dis-nous, que penserais-tu d’une cabane, même la plus humble, abritant quelques êtres qui t’aiment, au bord du lac de Génésareth ou sous un mûrier du Jourdain ?


XXXII. — LE COUP D’ŒIL.


Ce qu’on appelle le coup d’œil est un don précieux. Saisissant à la fois le principe et l’étendue des choses, le but et le moyen, la notion simple et son développement, découvrant l’arbre dans le germe et le germe dans l’arbre, le fait dans l’idée et l’idée dans le fait, — le coup d’œil, ce rayon clair, perçant et vif, est le travail abrégé, l’expérience anticipée, l’examen moins sa lenteur, ses circuits et ses doutes. L’intuition, indispensable à l’orateur, au spéculateur, au général, à l’homme d’action, est presque aussi capitale pour l’artiste, pour le savant et pour l’inventeur en tout genre ; car en tout genre, voir juste, loin et vite, constitue la supériorité. Le coup d’œil c’est la moitié la plus évidente du génie, si la patience, selon Buffon, est l’autre moitié.


XXXIII. — À MIDI.


Ce matin, je me suis promené par un chaud soleil printanier. — Tout était gonflé, touffu, riant