Page:Anatole France - Autels de la peur.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la tutoyer, parce que vous me donnerez beaucoup d’argent quand vous serez libre et qu’alors j’épouserai mon amoureux.

— Le gardien ?

— Oh ! non pas ! Je me moque de lui. J’épouserai Florentin. Vous voyez, citoyenne, que c’est pour moi que je travaille. Mais je suis plus contente de vous sauver que d’en sauver une autre.

— Je vous en rends grâce, mon enfant, mais pourquoi cela ?

— Parce que vous êtes mignonne et que votre amoureux a beaucoup de chagrin loin de vous. C’est convenu, n’est-ce pas ?

Fanny songea qu’en acceptant elle serait libre, qu’elle vivrait, qu’elle verrait grandir son fils. Elle allongea la main pour prendre le paquet de hardes que Rose lui tendait.

Mais retirant aussitôt le bras :

— Rose, savez-vous, dit-elle, que, si on nous découvrait, ce serait la mort pour vous ?

— La mort ! s’écria la jeune fille ; vous me faites peur. Oh ! non, je ne le savais pas.

Puis elle se rassura à demi :

— Citoyenne, votre amoureux saura bien me cacher.

— Il n’est pas de retraite sûre à Paris. Je vous remercie de votre dévouement, Rose, mais je ne l’accepte pas.

Rose était stupéfaite :

— Vous serez guillotinée, citoyenne, et je n’épouserai pas Florentin.

— Rose, je puis vous rendre service sans accepter ce que vous me proposez.