Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/16

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— Parce que ce n’est pas poli.

Il y eut quelques larmes qui finirent par un sourire dans des baisers. Ce fut encore une jolie journée. On voit sur les campagnes de ces ciels humides et traversés de rayons qui attristent et charment.

À quelques jours de là, par une grosse pluie, monsieur Lassalle, haut botté, fit une visite à la veuve.

— Bonjour, madame. Eh bien, père Trévière, plus solide que jamais ?...

— Le coffre est encore bon, mais les jambes ne valent plus rien.

— Et vous, la mère ? toujours le nez sur la marmite, donc ? Vous goûtez la soupe. C’est d’une bonne cuisinière.

Et ses rudes familiarités faisaient sourire la vieille, dont les prunelles pétillaient entre les pommettes ridées.

Il prit André sur ses genoux et lui pinça les joues. Mais l’enfant se dégagea brusquement et alla enfourcher les jambes de son grand-père.

— Tu es le cheval. Je suis le postillon. Hue !... Plus fort, plus fort !...

La visite se passa sans que la veuve et le visiteur eussent échangé quatre paroles, mais leurs regards avaient plusieurs fois croisé des lueurs, comme ces éclairs qui jaillissent entre ciel et terre dans les chaudes nuits d’été.