Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/134

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commençait à le troubler profondément. Sous l’influence de l’excitation que ce sentiment imprimait à toutes ses facultés, il acheva en une semaine un article pour la Gazette médicale, composa son premier sonnet et s’attacha à l’improviste à une bouquetière de bal public pour laquelle il dépensa en huit jours sa solde d’un trimestre. Puis l’article, le sonnet et la bouquetière lui semblèrent insipides et fastidieux. Il traîna encore une semaine d’agacements et s’en alla droit un beau jour à l’hôtel du boulevard Latour-Maubourg. Il pouvait, après le temps écoulé, présenter décemment ses compliments de condoléance à la veuve.

Quand il revit la grille d’entrée, le perron au fond de la cour, l’antichambre et son grand poêle de faïence, il lui sembla qu’il y avait un siècle qu’il n’avait passé par là. Il était las comme s’il avait vécu plusieurs âges d’homme.

Il attendit quelques minutes Hélène dans le salon. Quand elle parut devant lui grandie et pâlie par ses vêtements noirs, il crut la voir pour la première fois. Ce n’est pas qu’elle fût bien changée. Depuis sa convalescence, malgré ses tortures d’imagination, elle prenait de l’embonpoint