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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/135

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et ses joues étaient assez pleines. Mais il éprouvait sans cesse en la voyant une délicieuse sensation de nouveauté. Les yeux d’Hélène avaient, sous les boucles blondes des cheveux abaissés sur le front, un sourire vague et charmant. Elle parla la première. Le rien qu’elle dit le fit tressaillir. Il répondit de travers. Elle, plus maîtresse de ses sens, jouissait du trouble qu’elle inspirait. Il effleura, en termes vagues, les souvenirs de deuil ; puis, par une pente aisée, il en vint à parler de l’avenir.

Elle n’aimait plus le monde, disait-elle. Elle lui demanda ce qu’il comptait faire. Il voulait essayer de la clientèle civile ; son père lui donnerait les fonds nécessaires. Elle approuvait ; elle avait à Saint-James et dans le parc de Neuilly des amis qui feraient au jeune docteur une clientèle choisie. Elle lui promettait son patronage et s’engageait de la sorte dans son avenir. Elle dit que, pour elle, elle ne savait pas ce qu’elle ferait. Elle ajouta, par un délicat mensonge, que la succession de M. Haviland, dont elle n’avait que l’usufruit, grevée de legs, pouvait la laisser bien moins à l’aise qu’on ne croyait. Elle ajouta : « Si je deviens une pauvre femme, vous ne me fuirez pas ? » Il eut assez de