Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/205

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et chaque dimanche de l’année, les élèves, déroulés deux de front en longue file, faisaient une promenade sous les vieux ormeaux de la Fosse, au bord de la Loire, large et blonde. Il n’aimait pas ces courses au vent et à la pluie. Pour s’en dispenser, il se faisait admettre par ses grimaces à l’infirmerie, où il se pelotonnait sous ses couvertures comme un boa dans une vitrine de muséum. Mais il avait un jarret d’acier pour sauter par-dessus les murs de l’établissement et courir acheter à l’autre bout de la ville du rhum avec lequel on faisait un punch, la nuit, dans le dortoir. Il prit ses études en douceur, fit sur ses cahiers le portrait de tous ses maîtres, passa en rhétorique, n’y apprit rien, y oublia tout, fut expédié à Paris et confié aux soins de M. Godet-Laterrasse.

Or, M. Sainte-Lucie était en mer depuis trois semaines et le précepteur avait déjà commencé son œuvre pédagogique en promenant son élève sur des impériales d’omnibus du boulevard Saint-Michel aux buttes Montmartre et de la Madeleine à la Bastille. Puis il avait disparu pendant huit jours. Remi, installé par Labanne sous les toits d’un fort bon hôtel de la rue des Feuillantines, se