Aller au contenu

Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

levait à midi, s’en allait déjeuner, se promenait au soleil, en contemplant, par un reste de génie sauvage, les verreries étalées aux devantures des boutiques, et, vers cinq heures, buvait à petites gorgées son vermouth gommé. Il avait un peu oublié son précepteur, absent depuis huit jours, quand le matin du neuvième, il reçut, par télégramme de M. Godet-Laterrasse, rendez-vous pour deux heures sur le pont des Saints-Pères.

Il gelait ce jour-là, et une bise très âpre soufflait sur la Seine. Remi, abrité côte à côte avec un gardien de Paris contre le soubassement de fonte d’une des quatre statues de plâtre, faisait le gros dos et, dans son ennui, allongeait parfois le cou pour voir décharger sur le pont Saint-Nicolas une cargaison de cornes de bœufs. Il attendait depuis une demi-heure et se disposait à gagner le café le plus proche, quand M. Godet-Laterrasse, débouchant du guichet du Louvre, apparut, un portefeuille sous le bras.

— Je vous ai donné rendez-vous aujourd’hui, dit-il à Remi, pour acheter avec vous les livres fondamentaux. Je ne m’inquiète pas des Virgile et des Cicéron dont vous pourrez avoir besoin et que