Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/210

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Une petite femme grasse, coiffée avec soin et dont le tablier blanc à bavette se gonflait comme une voile, regarda Labanne avec la vivacité tendre de ses yeux dans lesquels quelques grains de poudre à canon semblaient pétiller sans cesse. Elle réclama au sculpteur le chat de terre cuite qu’il avait promis d’offrir pour être mis à la devanture entre les plats de choucroute et les saladiers de pruneaux.

— Je songe à votre matou, ô nourrissante Virginie, répondit Labanne, mais je ne le vois pas encore assez maigre et assez famélique. D’ailleurs, je n’ai encore lu que cinq ou six volumes sur les chats.

Virginie, résignée à une longue attente, assura Labanne qu’il était bien aimable d’amener un nouvel ami, dit que M. Mercier et M. Dion étaient là, et disparut derrière le châssis vitré, dans le voisinage d’une fontaine, car on l’entendit bientôt rincer des verres.

Les nouveaux venus s’assirent devant une table déjà occupée par deux buveurs auxquels Sainte-Lucie fut aussitôt présenté. Le créole sut bientôt que M. Dion, très jeune, mince et blond, était poète lyrique, et que M. Mercier, petit, noir, le