Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/232

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et Labanne, qu’il découvrit sur les quais devant une boîte de livres, prirent en main son affaire. Le poète Dion voulait du sang ; mais le sceptique Labanne se montra doux et amena une sorte de réconciliation. D’ailleurs Remi n’avait pas de rancune.

Le moraliste et le créole vécurent en paix pendant un mois ou deux. Mais Branchut, dont le destin était de souffrir par les femmes, eut le malheur de regarder avec tendresse l’hôtesse du Chat-Maigre. Or, le visage de Branchut, quand il exprimait la tendresse, ressemblait terriblement à une face d’épileptique. Virginie, qu’il dévisageait avec des yeux injectés, jaillissant hors de leurs orbites, fut épouvantée et fit grand bruit de son épouvante. Elle ne manquait aucune occasion de témoigner au philosophe l’horreur vertueuse qu’il lui inspirait, et comme elle coulait en même temps vers Remi des œillades chargées de volupté, Branchut fut mordu de tous les aiguillons de la jalousie. Il souffrait, il devint méchant.

Il s’en prit d’abord au doux Labanne, qui avait le double tort d’être pourvu de quelques petites rentes et de rendre service au philosophe. Bran-