Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute-puissance capricieuse d’un Jéhovah lapon. La conversation interrompue par le commissionnaire reprit mollement. Labanne seul eut quelque verve. Très préoccupé de la politesse au XVIIe siècle, il regrettait Louis XIV.

— Le roi soleil ne valait pas César Borgia, disait-il. Mais il était bien préférable aux droits de l’homme et aux immortels principes.

Branchut glissait parfois la main dans la poche de son habit et serrait quelque chose contre son cœur. Perdu dans un rêve profond, il laissait échapper, par intervalles, de ses lèvres bouffies et gercées, de suaves paroles sur la régénération de l’homme par l’amour. Dès onze heures, il se leva pour sortir ; du revers de sa manche, il frotta son gilet, ce qui était de sa part un raffinement extraordinaire et un culte immodéré de la personne extérieure.

— À demain ! lui dit Labanne.

Mais le philosophe murmura quelques paroles mystérieuses sur sa disparition possible et coula si doucement dehors qu’il semblait s’être volatilisé. Un moment après Dion et Labanne sortirent du Chat-Maigre.

À minuit le moraliste faisait en habit de bal le