Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Miragoane, assise sur son derrière, regardait avec intérêt les hommes, les bêtes et les choses. Mais libre de passions et l’âme en paix, elle se chauffait tranquillement au soleil. Parfois, allongeant sa tête intelligente, elle léchait de sa langue en volute le sang coagulé au museau du lapin que Télémaque laissait pendre. Puis, satisfaite de cette sensualité délicate, elle contemplait de nouveau l’avenue, avec un frisson dans la queue.

Télémaque retourna comme un gant la peau de son lapin et, ayant posé sur une petite table l’animal écorché, brillant des plus beaux tons, il le découpa adroitement et mit les morceaux sur un plat.

Puis il rentra dans la boutique, dont la porte extérieure s’ouvrait sur un petit jardin garni de tonnelles. Ayant préparé très proprement son civet, il s’assit, tandis que la casserole de cuivre rouge chantait sur le fourneau, et resta songeur. Ses yeux, qui semblaient fraîchement peints sur un joujou tout neuf, ne regardaient plus rien. Télémaque voyait sans doute autre chose que son fourneau aux carreaux de faïence, le comptoir d’étain et les tables de toile cirée, car il murmurait un