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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/295

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M. Godet-Laterrasse menait si mollement. Quatre ans s’étaient passés, et Remi n’était pas bachelier. C’était donc pour obtenir un semblable résultat, qu’il avait choisi comme précepteur un homme pauvre, mais supérieur ! Il avait mieux espéré de M. Godet-Laterrasse, si éloquent et si austère dans les cafés politiques. Les lettres qu’il recevait du précepteur l’agaçaient par leur vague et leur creux. Il était en outre furieux contre Remi, qui n’était pas venu embrasser son père à la gare, comme il le devait. Une odeur de friture vint agacer ses narines. Le fiacre montait lentement, traîné par un maigre cheval qui, la tête basse et la langue longue, tendait l’échine au fouet. Enfin le cocher s’arrêta sans rien dire. Devant la portière du fiacre, les cent-soixante marches du passage Cotin s’élevaient roidement.

M. Alidor, descendu de voiture, donna au cocher une pièce de cent sous que celui-ci, bourgeonné de visage, énorme et poudreux, mit entre ses dents sans s’expliquer davantage. Alors commença une longue scène muette. Le cocher, mouvant avec lenteur, sur son siège, sa masse colossale, fouilla dans une de ses poches, dont il tira un sac, s’arrêta