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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/296

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pour surveiller sa bête qui remuait convulsivement, explora une autre poche, poussa son cheval quelques pas en avant pour se garer d’un camion qui ne le menaçait pas, retourna les goussets de son gilet rouge et finalement montra sept sous au voyageur exaspéré. C’est tout ce qu’il pouvait rendre. Il n’avait pas d’autre monnaie. M. Alidor lui tourna le dos avec rage et l’entendit fouetter son cheval en grommelant. Les irréprochables bottines vernies craquèrent sur les pierres disjointes du passage Cotin et gravirent, de degré en degré, la voie ardue qui suintait en plein été des humeurs infectes et gluantes. Enfin, après avoir glissé sur les degrés visqueux de l’escalier intérieur, M. Alidor agita la patte de biche qui pendait à la porte moisie. Après un assez long silence, la porte s’entrebâilla et laissa passer une tête encornée d’un madras multicolore. L’homme supérieur, réveillé en sursaut, avait enfourché à la hâte un pantalon crotté d’une boue très ancienne qui s’écaillait. Une odeur de tabac humide pesait dans l’air. Un jour verdâtre, épuisé par de nombreux ricochets, filtrait péniblement à travers les vitres sales. Des caricatures politiques étaient épinglées