Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/239

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esprit. Il aurait voulu les connaître, vivre avec eux à Paris, écrire comme eux dans des revues, les contredire, les égaler, les surpasser peut-être. Il se sentait une certaine finesse d’intelligence, et il avait écrit des pages qu’il savait agréables.

Il n’était pas heureux. Il était pauvre, resserré avec sa femme et ses trois filles dans un petit logis où il goûtait à l’excès les incommodités de la vie commune ; et il s’attristait de trouver des bigoudis sur sa table à écrire, et de voir ses manuscrits brûlés aux marges par des fers à friser. Il n’avait au monde de retraite agréable et sûre que ce banc du Mail ombragé par un orme antique, et que le coin des bouquins dans la boutique de Paillot.

Il médita un moment sur sa triste condition, puis il se leva de son banc et prit le chemin qui mène chez le libraire.