Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix de Poudrailles disant : « Je suis innocent », résonnait à mon oreille.

Il me restait des doutes et j’avais besoin de me développer sans cesse à moi-même mon réquisitoire.

Le pourvoi de Poudrailles fut rejeté et mes incertitudes augmentèrent. En ce temps-là les grâces n’arrêtaient point avec une fréquence excessive l’effet des sentences de mort. Poudrailles implora vainement la commutation de peine. Le matin du jour fixé pour l’execution, quand déjà l’échafaud était dressé au Martouret, je me rendis à la prison, me fis ouvrir la cellule du condamné et, resté seul en face de lui : « Rien, lui dis-je, ne peut changer votre sort. S’il subsiste en vous un bon sentiment, dans l’intérêt de votre âme et pour le repos de mon esprit, Poudrailles, dites-moi si vous êtes coupable du crime pour lequel vous êtes condamné. » Il me regarda quelques instants sans répondre. Je vois encore sa face plate et sa large