Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/157

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verres. Le jardinier offrit une chaise de paille à chacun de ses hôtes et s’assit lui-même sur un escabeau près de la table.

C’était un vieillard robuste ; une chevelure grise et drue se dressait sur sa tête ; il avait le front bossué, le nez camus, la face vermeille, la barbe fourchue. Son grand dogue s’étendit au pied du maître, posa sur ses pattes son museau noir et court et ferma les yeux. Le jardinier versa le vin à ses hôtes. Et, quand ils eurent bu et échangé quelques propos, Zita dit à Nectaire :

— Je vous prie de nous jouer de la flûte. Vous ferez plaisir à l’ami que je vous ai amené.

Le vieillard y consentit aussitôt. Il approcha de ses lèvres le tuyau de buis, si grossier, qu’il semblait avoir été façonné par le jardinier lui-même, et préluda en quelques phrases étranges. Puis il développa de riches mélodies sur lesquelles les trilles brillaient ainsi que sur le velours les diamants et les perles. Manié par des doigts ingénieux, animé d’un souffle créateur, le tuyau rustique résonnait comme une flûte d’argent. Il ne donnait pas de sons trop aigus, et le timbre en était toujours égal et