Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/185

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cheminée et s’en fut ému, troublé, persuadé que madame Mira avait des facultés surnaturelles, malheureusement insuffisantes.

Au bas de l’escalier, il se rappela qu’il avait laissé le petit Lucrèce sur la table de la pythie, et, songeant que le vieux maniaque ne survivrait pas à la perte de ce bouquin, monta le chercher. En rentrant dans la maison paternelle, il trouva dressée devant lui une ombre calamiteuse. C’était le père Sariette qui, d’une voix plaintive comme le vent de novembre, réclamait son Lucrèce. Maurice le tira négligemment de la poche de son pardessus :

— Ne vous frappez pas, monsieur Sariette. Le voilà, votre machin !

Le bibliothécaire emporta, pressé contre sa poitrine, le joyau retrouvé, et le posa doucement sur le tapis bleu de la table, méditant, pour le trésor dont il était jaloux, une cachette sûre et agitant dans son esprit les projets d’un zélé conservateur. Mais qui de nous peut se vanter d’être sage ? La prévoyance des hommes est courte et leur prudence sans cesse déjouée. Les coups du sort sont inéluctables ; nul ne saurait éviter sa destinée. Il