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Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/186

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n’est conseil ni soins qui puissent prévaloir contre la fatalité. Malheureux que nous sommes, cette force aveugle, qui dirige les astres et les atomes, compose de nos vicissitudes l’ordre universel ! Notre malheur importe à l’harmonie des mondes. Ce jour était le jour du relieur, que le cours des saisons ramenait deux fois l’an, sous le signe du Bélier et sous celui de la Balance. Ce jour-là, dès le matin, M. Sariette préparait le train du relieur ; il posait sur la table les livres brochés, acquis nouvellement, et jugés dignes d’une reliure ou d’un cartonnage, et ceux aussi dont le vêtement avait besoin d’une réparation, et il en dressait soigneusement un état détaillé. À cinq heures précises, l’employé de Léger-Massieu, relieur rue de l’Abbaye, le vieil Amédée, se présentait à la bibliothèque d’Esparvieu et, après un double récolement opéré par M. Sariette, empilait les livres destinés à son patron dans une toile dont il nouait les quatre coins et qu’il assujétissait sur l’épaule ; puis il saluait le bibliothécaire par ces mots :

— Bonsoir, la compagnie !

Et descendait l’escalier.