Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/205

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» Lucifer, dès qu’il vit son armée au point de ne plus s’accroître ni s’aguerrir davantage, la dirigea précipitamment sur l’ennemi et, promettant à ses anges la richesse et la gloire, marcha à leur tête sur le Mont qui porte à son faîte le trône de l’univers. Trois jours nous brûlâmes de notre vol les plaines éthérées. Au-dessus de nos têtes flottaient les noirs étendards de la révolte. Déjà le Mont du Seigneur apparaissait rose dans le ciel oriental, et notre chef en mesurait des yeux les remparts étincelants. Sous les murs de saphir s’étendaient les lignes ennemies qui, tandis que nous marchions couverts de bronze et de fer, resplendissaient d’or et de pierreries. Leurs bannières rouges et bleues flottaient au vent et des éclairs s’allumaient à la pointe de leurs lances. Bientôt les armées ne furent plus séparées l’une de l’autre que par un étroit intervalle, une bande de terre unie et vide, et dont la vue faisait frissonner les plus braves par la pensée que là, dans une mêlée sanglante, s’accompliraient les destins.

» Les anges, vous le savez, ne meurent point. Mais quand l’airain, le fer, la pointe