Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/209

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fronts ; une ardente lumière nous aveuglait. Chargées de fer, nos ailes de plume ne pouvaient nous porter ; mais l’espérance nous faisait des ailes qui nous soulevaient. Le beau Séraphin, de sa main rayonnante, sans cesse plus haute, nous montrait la voie. Tout le jour nous gravîmes le mont altier qui se revêtit, le soir, d’azur, de rose et d’opale. L’armée des étoiles, apparue au firmament, semblait le reflet de nos armes. Un silence infini planait sur nos têtes. Nous allions, ivres d’espoir. Tout à coup, dans le ciel obscurci, jaillissent des éclairs. La foudre gronde et, du haut du mont nuageux, le feu du ciel tombe. Nos casques, nos cuirasses ruissellent de flammes et nos boucliers se brisent sous les carreaux lancés par des mains invisibles. Lucifer, dans l’ouragan de feu, gardait sa fierté. En vain, le tonnerre le frappait à coups redoublés : il restait debout et défiait encore l’ennemi. Enfin, la foudre, ébranlant la montagne, nous précipita pêle-mêle avec d’énormes quartiers de saphir et de rubis, et nous roulâmes inertes, évanouis, durant un temps que nul n’a su mesurer.