Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/219

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trait à travers les branches une prunelle farouche, tous les êtres violents et craintifs, nourris de baies amères et dont la poitrine velue contenait un cœur barbare, les demi-hommes des bois, auxquels il communiquait la bienveillance et la grâce, et qui le suivaient, ivres de joie et de beauté. Il planta la vigne et enseigna aux mortels à fouler les grappes pour en faire couler le vin. Splendide et bienfaisant, il parcourut le monde suivi d’un long cortège. Pour l’accompagner, je pris la forme d’un capripède : de mon front sortaient deux cornes naissantes ; j’avais le nez camus et les oreilles pointues ; deux glandes, ainsi qu’aux chèvres, me pendaient sur le cou ; à mes reins s’agitait une queue de bouc et mes jambes velues se terminaient par une corne noire et fourchue, qui frappait le sol en cadence.

» Dionysos accomplissait par le monde sa marche triomphale. Je traversai avec lui la Lydie, les champs phrygiens, les plaines brûlantes de la Perse, la Médie hérissée de frimas, l’heureuse Arabie et la riche Asie, dont la mer baignait les cités florissantes. Il s’avançait sur un char attelé de lions et de lynx, au son des