Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/234

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quait sous mon genou, et de mes deux mains lui serrant le cou, j’étranglai l’impie.

» Tandis qu’il gisait, la face violette et la langue pendante, aux pieds du Dieu souriant, j’allai me purifier à la source sacrée. Puis, quittant cette terre devenue la proie des chrétiens, je traversai les Gaules et gagnai les rives de la Saône, où jadis Dionysos avait porté la vigne. Le dieu des Chrétiens n’était pas encore annoncé chez ces peuples heureux. Ils adoraient pour sa beauté un hêtre touffu, dont les rameaux respectés pendaient jusqu’à terre, et ils y suspendaient des bandelettes de laine. Ils adoraient aussi une source sacrée et déposaient des images d’argile dans une grotte humide. Ils offraient de petits fromages et une jatte de lait aux nymphes des bois et des montagnes. Mais bientôt un apôtre de la tristesse leur fut envoyé par le Dieu nouveau. Il était plus sec qu’un poisson fumé. Bien qu’exténué par le jeûne et les veilles, il enseignait avec une ardeur inextinguible je ne sais quels sombres mystères. Il aimait la souffrance et la croyait bonne : sa colère poursuivit tout ce qui est beau, vénuste et joyeux. L’arbre sacré tomba