Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/236

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leur inculque. Le petit bois où je vivais appartenait à un Gaulois de famille sénatoriale, qui gardait un reste des élégances latines. Il aimait sa jeune affranchie et partageait avec elle son lit de pourpre brodé de narcisses. Ses esclaves cultivaient sa vigne et son jardin, il était poète et chantait, à l’imitation d’Ausone, Vénus fouettant son fils avec des roses. Bien qu’il fût chrétien, il m’offrait du lait, des fruits et des légumes comme au génie du lieu. En retour, je charmais ses loisirs des sons de ma flûte et je lui donnais des songes heureux. En fait, ces paisibles Gaulois savaient très peu de chose d’Iahveh et de son fils.


» Mais voici que des feux s’allument à l’horizon, et que des cendres, chassées par le vent, tombent dans les clairières de nos bois. Des paysans conduisent sur les routes une longue file de chariots ou poussent leurs troupeaux devant eux. Des cris d’effroi s’élèvent des villages : « Les Burgondes !… » Un premier cavalier se montre, la lance à la main, tout vêtu de bronze clair et ses longs cheveux rouges tombant en deux nattes sur ses épaules. Puis il en