Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/237

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vient deux, puis une vingtaine, puis des milliers, farouches, ensanglantés. Ils massacrent les vieillards, les enfants, violent jusqu’aux aïeules, dont les cheveux gris s’attachent à leurs semelles, avec la cervelle des nouveau-nés. Mon jeune Gaulois et sa jeune affranchie teignent de leur sang la couche brodée de narcisses. Les barbares brûlent les basiliques pour y faire cuire des bœufs entiers, ils brisent les amphores et hument le vin dans la boue des celliers inondés. Leurs femmes les accompagnent entassées demi-nues dans les chars de guerre. Quand le Sénat et le peuple des villes et les chefs des églises ont péri dans les flammes, les Burgondes cuvent leur vin sous les arcades du Forum. Et quinze jours plus tard on voit l’un d’eux sourire, dans sa barbe épaisse, au petit enfant que, sur le seuil de la demeure, la blonde épouse soulève dans ses bras, un autre allumer sa forge et frapper le fer en cadence, un autre chanter sous un chêne, à ses compagnons assemblés, les dieux et les héros de sa race, et d’autres étaler, pour les vendre, des pierres tombées du ciel, des cornes d’aurochs et des amulettes. Et les antiques