Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/245

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polissant, assemblant les pierres, sculptant aux chapiteaux et sur les corniches, l’ortie, la ronce, le chardon, le chèvrefeuille et le fraisier, taillant des figures de vierges et de saints et des images bizarres de serpents, de poissons à tête d’âne, de singes se grattant la fesse, chacun enfin y mettant son génie sévère, espiègle, sublime, grotesque, humble, audacieux, et faisant de tout cela une cacophonie harmonieuse, un cantique ravissant de joie et de douleur, une Babel triomphale. À notre instigation, les ciseleurs, les orfèvres, les émailleurs accomplirent des merveilles et tous les arts somptuaires fleurirent à la fois : soieries de Lyon, tapisseries d’Arras, toiles de Reims, draps de Rouen. Les bons marchands allaient sur leur jument dans les foires portant des pièces de velours et de brocart, des broderies, des orfrois, des joyaux, de la vaisselle d’argent et des livres enluminés. De gais compagnons dressaient leurs tréteaux dans les églises ou sur les places publiques et représentaient, selon leur intelligence, les gestes du ciel, de la terre et de l’enfer. Les femmes se paraient de superbes atours et devisaient