Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/246

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d’amour. Au printemps, quand le ciel était bleu, nobles et vilains étaient pris à l’envi du désir de folâtrer dans la prairie émaillée de fleurs. Le violoneux accordait son instrument ; dames, chevaliers et demoiselles, bourgeois et bourgeoises, villageois et pucelles, se tenant par la main, commençaient le branle. Mais soudain, la Guerre, la Famine et la Peste entraient dans la ronde, et la Mort, arrachant le violon des mains du ménétrier, menait la danse. L’incendie dévorait les villages et les moustiers, les hommes d’armes pendaient au chêne du carrefour les paysans qui ne pouvaient payer rançon et liaient au tronc les femmes grosses à qui les loups venaient la nuit dévorer leur fruit dans leur ventre. Les pauvres gens en perdaient le sens. Parfois, la paix rétablie, le beau temps revenu, sans raison, sous le coup d’une folle épouvante, ils abandonnaient leurs maisons et couraient par troupes, demi-nus, se déchirant avec des crochets de fer et chantant… Je n’accuse pas Iahveh et son fils de tout ce mal. Beaucoup de choses mauvaises se faisaient sans lui et contre lui. Mais où je reconnais la pensée du