Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/273

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au contraire, par sa simplicité, à M. Blancmesnil.

Le père Guinardon, outré, s’écria :

— Direz-vous, monsieur d’Esparvieu, que saint Jean était astigmate parce qu’il a vu une femme revêtue du soleil et couronnée d’étoiles, avec la lune à ses pieds ; la bête à sept têtes et dix cornes et les sept anges vêtus de lin qui portent les sept coupes pleines de la colère du Dieu vivant ?

— Après tout, conclut M. Gaétan, on a raison d’admirer le Gréco, s’il eut assez de génie pour imposer sa vision morbide. Aussi bien, les tortures qu’il inflige à la figure humaine peuvent contenter les âmes qui aiment la souffrance, et celles-là sont plus nombreuses qu’on ne croit.

— Monsieur, répliqua le comte Desmaisons, en promenant sa longue main dans sa barbe fleurie, il faut aimer qui nous aime. La souffrance nous aime et s’attache à nous. Il faut l’aimer si l’on veut supporter la vie ; et c’est la force et la bonté du christianisme de l’avoir compris… Hélas ! je n’ai pas la foi, et c’est ce qui me désespère.