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Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/278

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jouer le principal rôle de l’opérette des Apaches alors en répétition dans un grand music-hall, celui de la pierreuse qui attire, par des gestes obscènes, un passant dans un guet-apens et qui renouvelle, avec une cruauté sadique, au malheureux qu’on bâillonne et qu’on ligotte, les appels lascifs auxquels il s’est rendu. Elle devait se montrer dans ce rôle à la fois chanteuse et mime, et elle en était enthousiasmée.

L’accompagnateur venait de partir. Le prince Istar se mit au piano et Bouchotte reprit son travail. Ses mouvements étaient ignobles et délicieux. Elle n’avait sur elle qu’une jupe courte et une chemise dont l’épaulette, glissant sur le bras droit, découvrait une aisselle ombreuse et touffue comme une grotte sacrée d’Arcadie ; ses cheveux s’échappaient de toutes parts en mèches fauves et sauvages ; sa peau était moite ; il s’en exhalait une odeur de violette et de sels alcalins, qui faisait palpiter les narines et dont elle-même se grisait. Tout à coup, enivré par les senteurs de cette chair ardente, le prince Istar se leva et sans rien dire, même des yeux, la saisit à pleins bras et la jeta sur le canapé, sur le petit canapé à fleurs