Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/279

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que Théophile avait acheté dans un magasin célèbre, moyennant un versement de dix francs par mois durant une longue suite d’années. Le kéroub tomba comme un quartier de roc sur ce corps délicat ; son souffle retentissait comme un soufflet de forge, ses mains énormes faisaient ventouse sur les chairs embrassées. Istar aurait sollicité Bouchotte, il l’aurait conviée à une étreinte rapide, et pourtant mutuelle, que dans l’état de trouble et d’excitation où elle se trouvait, elle ne l’aurait pas refusé. Mais Bouchotte était fière ; son farouche orgueil se réveillait à la première menace d’une humiliation. Elle entendait se donner et non se laisser prendre. Elle cédait facilement à l’amour, à la curiosité, à la pitié, à moins encore ; mais elle aurait préféré mourir que de céder à la force. Sa surprise se changea immédiatement en fureur. Tout son être se roidit contre la violence. De ses ongles aiguisés par la rage elle lacéra les joues et les paupières du kéroub, et, prise sous cette montagne de chair, elle banda si roide l’arc de ses reins, fit jouer si ferme le ressort de ses coudes et de ses genoux, qu’elle envoya le taureau anthropocéphale, aveuglé de sang et